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AVERTISSEMENT

Amis lecteurs
Je ne fais ce Blog que pour vous faire decouvrir les tresors du Judaisme
Aussi malgre le soin que j'apporte pour mettre le nom de l'auteur et la reference des illustrations sur tous ces textes , il se pourrait que ce soit insuffisant
Je prie donc les auteurs de me le faire savoir et le cas echeant j'enleverais immediatement tous leurs textes
Mon but etant de les faire connaitre uniquement pour la gloire de leurs Auteurs

ABRAHAM

                                Abraham's Journey to Canaan    Lastman, Pieter


                                L’entrée d’Abraham en terre de Canaan 






Genèse 12, 5c - 9: Abram en Canaan
(12, 5c) Ils arrivèrent au pays de Canaan. (6) Abram traversa le pays jusqu’au lieu dit Sichem, jusqu’au chêne de Moré. Les Cananéens étaient alors dans le pays. (7) Le Seigneur se fit voir à Abram et lui dit : « A ta descendance je donnerai ce pays. » et celui-ci construisit un autel au Seigneur qui s’était fait voir à lui. (8) De là, il se déplaça vers la montagne à l’est de Béthel et planta sa tente entre Béthel du côté de la mer et Aï à l’est, et il y construisit un autel pour le Seigneur et il invoqua le Seigneur par son Nom. (9) Puis, d’étapes en étapes, Abram alla jusqu’au Néguev.

Genèse, chapitre 12
5) Abram prit Saraï son épouse, Loth fils de son frère, et tous les biens et les gens qu'ils avaient acquis à Harân. Ils partirent pour se rendre dans le pays de Canaan, et ils arrivèrent dans ce pays.
6) Abram s'avança dans le pays jusqu'au territoire de Sichem, jusqu'à la plaine dé Môré ; le Cananéen était alors dans le pays.

Commentaire de Rachi
Le Cananéen était alors dans le pays : il était occupé à conquérir la terre d’Israël,qui appartenait alors aux descendants de Chem. (…)

Psika zoutrata, Genèse, chapitre 12
Le Cananéen était alors dans le pays : Que vient t’apprendre cela ? Bien que le Cananéen était dans le pays, il ne lui fit aucun mal. Autre explication : il ne tira pas d’enseignements de leurs actions.






Idole assise représentant sans doute
la Grande Déesse Mère
Lac de Gennesareth - 6000 av. JC









Briser les idoles - Abraham face à Nemrod



Le midrash va présenter la vie d'Abraham avant son départ vers Canaan.
A Ur, sa ville natale, il rencontre l'opposition de son père Térah et du roi Nemrod.
Derrière ce midrash se dessine le conflit entre monothéisme et polythéisme.

Midrash Genèse Rabba (Ed. Vilna) chapitre 38
Térah était un idolâtre. Une fois Térah partit et plaça Abraham pour vendre les idoles à sa place. Lorsqu'un homme venait pour acheter une idole. Abraham lui demandait : "Quel âge as-tu ?" L'homme répondait : "j'ai cinquante ou soixante ans". Abraham déclarait : "Malheur à cet homme qui a soixante ans qui veut se prosterner devant une idole qui n'a qu'un jour."
L'homme avait honte et partait. Un jour une femme vint avec un plateau plein de farine. Elle dit à Abraham : "offre-leur ceci !" Il prit le plateau brisa toutes les idoles et plaça le bâton dans la main de la plus grande idole (qu'il ne brisa pas). Lorsque son père vint, il demanda :"qui a fait cela ?" Abraham répondit : "puis-je te cacher ce qui s'est passé ? Voilà une femme est venue avec un plateau de farine en me demandant de leur offrir. J'ai obtempéré. Mais voici qu'une idole a dit : je mangerai la première et l'autre a dit c'est moi qui mangerai la
première. La grande statue s'est levée les a toutes brisées avec un bâton. Térah répondit "tu me prends pour un idiot, alors que nous savons la vérité ?" Abraham lui dit : "Que tes oreilles entendent ce qui sort de ta bouche !". Térah partit le dénoncer à Nemrod.
Ce dernier dit à Abraham :"Je vais te jeter dans le feu". Abraham répondit : Jette-moi dans l'eau qui éteint le feu". Nemrod lui dit : "Je te jetterai dans l'eau". Abraham répondit : "Jette-moi dans le vent qui chasse les nuages (de la pluie)". Nemrod répondit : "Je te jetterai dans le vent". Abraham répondit : "Livre-moi aux hommes qui retiennent le vent". Alors Nemrod lui dit : "tu parles bien. Mais moi je ne me prosterne que devant le feu, alors je te jetterai dans le feu et que ton Dieu vienne te sauver". Là se trouvait Haran (frère d'Abraham) qui était dans le doute. Il se dit : "de deux choses l'une, si c'est Abraham qui triomphe, je serai du côté d'Abraham, si c'est Nemrod qui triomphe, je serai du côté de Nemrod". Lorsque Abraham sortit indemne de la fournaise, on demanda à Haran : "De quel côté es-tu ?" Il répondit : "du côté d'Abraham". On le prit pour le jeter dans le feu. Ses entrailles brûlèrent et on le ressortit mort devant Térah son père, comme il est dit : "Et Haran mourut devant Térah son père."



Genèse 12, 10 - 13,1 : Abram en Egypte
(12,10) Et il y eut une famine dans le pays et Abram descendit en Egypte pour y séjourner car la famine pesait sur le pays. (11) Et il arriva, quand il fut proche d’entrer en Egypte, qu’il dit à Saraï sa femme : « Voici donc, je sais que tu es une femme belle à voir. (12) Et il arrivera, quand les Egyptiens te verront, qu’ils diront ‘’ C’est sa femme’’ et ils me tueront et toi, ils te laisseront la vie. (13) Dis, je te prie, que tu es ma soeur pour que l’on me traite bien à cause de toi et que mon souffle vive grâce à toi. (14) Et il arriva, quand Abram entra en Egypte, que les Egyptiens virent que la femme était très belle. (15) Et des officiers du Pharaon la virent et ils firent sa louange auprès du Pharaon et la femme fut prise pour la maison du Pharaon. (16) Et Abram fut bien traité à cause d’elle et il y eut pour lui du petit et du gros bétail, des ânes, des esclaves et des servantes, des ânesses et des chameaux. (17) Et le Seigneur frappa Pharaon de grandes plaies, ainsi que sa maison, à cause de la ‘’dabar’’ de Saraï, (à cause de l’action faite à Saraï ou à cause de la parole de Saraï) femme d’Abram. (18)
Et Pharaon appela Abram et lui dit : « Que m’as-tu donc fait !
Pourquoi ne m’as-tu pas déclaré qu’elle était ta femme ? (19) Pourquoi as-tu dit ‘’C’est ma soeur’’ ? En sorte que je l’ai prise pour moi comme femme. Maintenant voici ta femme, prends et pars ! » (20) Et Pharaon ordonna à ses gens de le renvoyer lui, sa femme et tout ce qui était à lui. (13,1) Et Abram remonta d’Egypte, lui, sa femme et tout ce qui était à lui, et Loth avec lui, vers le Néguev.


Les Dix epreuves d'Abraham

Traité Avot, chapitre 5, Mishna 3
Dix épreuves ont été données à Abraham notre père, de mémoire bénie, et il les a toutes surmontées. 
Ceci pour te montrer l’affection d’Abraham notre père (envers Le Créateur).

Commentaire de Maïmonide
Dix épreuves ont été données à Abraham notre père : et toutes sont écrites (dans la Torah).
La première, l’exil, comme il est marqué «Va pour toi, (hors) de ta terre…» (Genèse, 12; 1).
La seconde a été la famine en terre de Canaan, alors qu’il venait d’y arriver et que Dieu lui avait dit « (Tu iras en Canaan) et je ferai de toi une grande nation, je te bénirai et j’agrandirai ton nom» (Ib. 2) ensuite il est écrit «Et ce fut la famine dans le pays» (Ib. 10); ceci fut une grande épreuve (car c’était en total contradiction avec la promesse divine).
La troisième fut l’oppression d’Egypte, quand Sarah fut prise par Pharaon.
La quatrième, la guerre contre les quatre rois.
La cinquième épreuve a été celle de prendre Hagar pour femme, quand il fut désespéré de l’infertilité de Sarah.
La sixième, la circoncision, qui pour lui s’est faite dans sa vieillesse.
La septième, l’oppression de roi Garar quand Sarah fut de nouveau captive.
La huitième, le renvoi d’Hagar.
La neuvième, le renvoi de son fils Ismaël.
La dixième, la ligature d’Isaac.









                                                  Abraham   Rembrandt











Abraham face à l’Eternel 

Dieu apparait à Abraham et engage avec lui une 

alliance. 

Abraham ne peut tenir le choc de cette 
rencontre et tombe à terre.







Selon Rachi il ne s’agit pas d’un excès d’humilité

mais d’une réelle défaillance de la part d’Abraham.




Genèse, chapitre 17
1) Abraham étant âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, le Seigneur lui apparut et lui dit: "Je suis 
le Dieu tout-puissant; circules devant mes faces, sois irréprochable,

2) et je maintiendrai mon alliance avec toi, et je te multiplierai à l'infini."
3) Abram tomba sur ses faces, et Dieu lui parla de la sorte:

Rachi, verset 3
Abram tomba sur ses faces ; Par la crainte de la Présence Divine ; car tant qu’il n’était pas circoncis, il n’avait pas la force de se tenir debout et l’Esprit Saint se dressait au-dessus de lui et c’est ce qui est dit au sujet de Balaam : "Tombé mais les yeux ouverts", dans la Beraïta  
de Rabbi Eliézer.


Josué, Chapitre 7
10) L'Eternel dit à Josué: "Relève-toi! Pourquoi rester ainsi couché sur ta face?








                                                   Abraham et le monothéisme



                                                                           ghansel


Abraham est à l'exact carrefour qui conduit de l'universel humain à l'unicité d'Israël. C'est cette idée que je veux maintenant développer pour mettre en évidence ce qui définit le monothéisme juif à sa racine. La constitution de ce monothéisme s'opère en deux étapes. La première est décrite par la tradition comme une réflexion de type philosophique et la seconde est reliée à une révélation. Il nous faut donc dégager le sens de ces deux étapes. Du point de vue du récit biblique et de ses commentaires, ces deux étapes sont nettement différenciées. Il y a d'abord Abraham vivant dans la maison de son père Terah située à Our-Kasdim, où règne une dictature totalitaire, celle de Nemrod, puis Abraham quittant la Mésopotamie sur l'ordre divin pour aller dans ce qui deviendra la Terre d'Israël.
Le Midrach raconte qu'à la naissance d'Abraham, une étoile s'est levée à l'Orient et a avalé quatre étoiles situées aux quatre points cardinaux. Les astrologues de Nemrod, interprétant cet événement, lui ont indiqué que Terah venait d'avoir un fils dont serait issu un peuple «qui hériterait à la fois de ce monde-ci et du monde futur». Ils lui ont conseillé d'acheter à Terah ce fils à prix d'or et de le tuer. Terah a refusé et a pris la clandestinité en se cachant dans une caverne pendant trois ans. LeMidrach raconte alors:




Lorsque Abraham a eu trois ans, il est sorti de la caverne et s'est mis à réfléchir. Qui a créé le Ciel, la Terre, et moi-même ? Il a prié toute la journée en se tournant vers Soleil. Le soir, le Soleil s'est couché à l'Ouest et la Lune s'est levée à l'Est. Lorsqu'il vit la Lune et les Etoiles qui l'entouraient, il s'est dit : c'est la Lune qui a créé le Ciel, la Terre et moi-même et les Etoiles en sont les ministres et les serviteurs. Il s'est levé et a prié toute la nuit en direction de la Lune. Le matin, la Lune s'est couchée à l'Ouest et le Soleil a brillé à l'Est. Abraham dit : ils n'ont donc aucune puissance et il y a un Maître au dessus d'eux. C'est à lui que je prierai et à qui je me prosternerai.
Le sens du monothéisme découvert par Abraham philosophe est clair. Il n'y a dans le monde aucune force privilégiée. Mieux encore, à la limite, il ne faut même pas parler de force ou de cause. L'observation du déroulement des cycles astronomiques conduit à l'idée d'un ordre unique régissant tous les phénomènes particuliers, ce que la pensée moderne désignera par la notion de déterminisme universel. Théologiquement parlant, on dira qu'Abraham, contemplant le mouvement des astres, est devenu déiste, un peu à la manière de certains francs-maçons.
Mais, plus important que ce formalisme théologique, est la signification concrète de ce premier monothéisme d'Abraham. Abraham a découvert l'unité de l'ordre naturel. Une rationalité cohérente se cache derrière la multiplicité apparente des phénomènes physiques, cette rationalité étant spécialement manifeste dans le monde astronomique dont les mouvements sont parfaitement prévisibles. Le soleil n'est pas une force, la lune n'est pas une force. Leurs mouvements obéissent à une loi unique qui gouverne tout l'univers. En d'autres termes, Abraham quitte définitivement le monde mythique où sont à l'oeuvre des forces particulières et accède à la vision scientifique d'un monde unifié sous une même rationalité. Ce premier acquis d'Abraham va être bientôt dépassé, mais gardons-nous d'y toucher. Il constitue une première strate qu'il ne faut jamais oublier du monothéisme juif.
La carrière d'Abraham ne s'arrête pas là. Sur l'ordre divin, Abraham (qui s'appelle encore Abram) va quitter le royaume de Nemrod pour se diriger vers une nouvelle terre:




L'Eternel dit à Abram : quitte ta terre, ton lieu de naissance et la maison de ton père [pour aller] vers la terre que je t'indiquerai ; je ferai de toi une grande nation, je te bénirai et je grandirai ta renommée...
Dans le récit biblique, la révélation divine se produit brusquement, sans que rien ne la laisse présager. Le texte, dans son sens littéral, présente cette révélation comme un événement sans raison préalable. Abraham aurait été saisi par une sorte de grâce, par une vocation soudaine. Une révélation subite lui aurait imposé une nouvelle destinée débutant avec l'arrachement brutal à toutes ses conditions d'existence. Le Midrach ne peut accepter ce sens littéral et va dévoiler ce qui explique la révélation divine, lui enlevant par là-même son caractère violent:




Rabbi Isaac a commencé par ce verset des Psaumes (Ps. 45) : Ecoute, fille, regarde et tends l'oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père !... [La situation d'Abraham] ressemble à celle d'un homme qui voyageait d'un lieu à l'autre et a rencontré une citadelle en flamme. Il se dit : est-ce possible que cette citadelle n'ait pas de dirigeant ? Le maître de la citadelle apparût et lui dit : c'est moi le maître de la citadelle. Ainsi, du fait qu'Abraham se demandait : doit-on dire que ce monde-ci soit sans dirigeant, le Saint-Béni-Soit-Il lui apparût et lui dit : c'est moi le Maître du monde.
Avant de développer le sens de ce texte, un point de méthode. Le Midrach emploie ici une figure de style qui lui est habituelle. Le texte commence par une parabole (un «machal»), celle de la citadelle en feu, puis il en explique la signification (le «nimchal») par un énoncé théorique. Il y a évidemment lieu de s'interroger sur l'utilité de la parabole. Pourquoi ne pas se contenter de l'énoncé théorique qui en donne l'interprétation ? Serait-ce simplement pour parler à l'imagination, pour rendre accessible au peuple une vérité abstraite ?
En réalité, c'est l'inverse qui est vrai. Il existe toujours un subtil décalage entre la parabole et son interprétation. Jamais dans le Midrach, l'interprétation n'est exactement parallèle à la parabole. La parabole contient plus que ce qui est présenté comme son interprétation, laquelle n'en est qu'une simplification, et le sens véritable du Midrachest caché dans la parabole. Pourquoi fallait-il le cacher ? Parce qu'il contient des éléments qui pourraient troubler un esprit fragile.
Voyons ce qu'il en est dans notre texte. Si on se limite à la deuxième partie, à la partie interprétation, Abraham se demande si le monde est dirigé ou s'il est livré à la loi du hasard. A priori, cela semble être une question théorique, une question purement spéculative. Dieu se révèle à lui, lui faisant ainsi savoir que le monde a bel et bien une direction. Mais cela soulève quelques questions. Est-ce bien le sens exact de ce que se demande Abraham ? Pourquoi Abraham n'a-t-il pas pu résoudre de lui-même le problème qui l'inquiétait comme c'était justement le cas dans la première partie de sa carrière ? Pourquoi fallait-il une révélation divine ? Que signifie ce nouvel aspect du monothéisme qu'Abraham ne pouvait découvrir par lui-même ?
C'est dans la partie cachée du Midrach, dans la parabole, que l'on trouve la réponse à ces questions. Abraham voit une citadelle en flamme et se demande s'il existe un gouverneur. Le commentaire Ets Yossef du Midrach explique : la citadelle, c'est le cosmos, le monde astronomique, construction parfaite avec son ordre parfait. Mais dans ce monde parfait, il y a un incendie. C'est le monde humain où règne la violence et le désordre moral, où les méchants réussissent aussi bien sinon mieux que les justes. Il y a contradiction entre l'harmonie du déterminisme universel et le chaos des affaires humaines, entre la rigueur de la loi naturelle et le hasard dans les relations entre hommes. En un mot, Abraham se pose le problème du mal dans le monde, et, plus précisément, celui de la contradiction entre l'ordre naturel sublime qu'il a reconnu par lui-même et le désordre humain dont il ne peut comprendre le sens et qui le décourage. Ce qui préoccupe Abraham n'est pas un problème spéculatif. Le spectacle de la société humaine conduit Abraham au bord de la démoralisation.
Pourquoi Abraham ne pouvait-il résoudre ce problème par sa propre réflexion ? Parce qu'aucune expérience, aucune observation des faits, aucune spéculation théorique ne peut conduire à une solution. Le problème moral que se pose Abraham et l'exigence morale qui l'anime dépassent toutes les conclusions que l'on peut induire de l'observation de ce qui existe. Aucune réflexion sur la nature, sur la société, sur l'histoire, ne permet de donner un sens au mal dans le monde.
C'est donc dans une révélation qu'Abraham trouve la solution à son inquiétude. Avant d'examiner le contenu de cette révélation, il faut insister à nouveau sur le fait qu'elle ne brutalise pas Abraham. La révélation répond à une inquiétude éthique préalable. L'horizon où se produit la révélation divine est le souci éthique. La révélation n'est pas une saisie mystique ou une prétendue intuition permettant d'aller au delà des frontières du rationnel. L'exigence éthique d'Abraham ne se laisse pas enfermer dans l'opposition rationnel-irrationnel. Cette exigence n'est pas d'ordre spéculatif mais ne se laisse pas plus qualifier d'irrationnelle, de sorte que l'esprit d'Abraham n'est pas violenté par la révélation divine. L'exigence éthique dessine un horizon nouveau qui ne se laisse réduire à aucun autre.
Cette idée se confirme par l'examen du contenu de la parole reçue par Abraham. Elle n'est pas un enseignement spéculatif, une théodicée qui expliquerait qu'en dépit des apparences, la justice règne sur les affaires humaines, qu'en définitive, selon la formule de Leibnitz, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. La parole divine n'est rien d'autre qu'une injonction : quitter son lieu de naissance pour devenir le premier échelon de l'engendrement du peuple d'Israël, c'est-à-dire d'un peuple dont la première vocation est d'établir une société juste. Tout se passe comme si on assistait au dialogue suivant : Abraham dit à Dieu: «je ne comprends pas qu'il y ait un tel désordre moral dans la société humaine ; la vie n'a pas de sens». Et Dieu de lui répondre: «Qu'à cela ne tienne! Pars d'ici et construis une nouvelle société fondée sur la justice». A l'inquiétude éthique d'Abraham répond une parole qui s'inscrit dans l'horizon même cette inquiétude, dans l'horizon éthique. La parole divine n'est pas une information sur ce qui est mais une injonction de départ vers ce qui doit être. La parole divine ne s'entend pas autrement que dans l'obligation morale qui saisit celui qui d'emblée a le souci moral.
Cela ne veut pas dire que l'injonction éthique donne congé à la réflexion et à la recherche théorique. Bien au contraire, elle fonde une recherche d'un type nouveau, car, si l'injonction ne découle pas d'une spéculation mais d'une inquiétude, en revanche, elle exige l'intellect dans sa mise en oeuvre et, pour le judaïsme, cet intellect a un nom : le Talmud. Mais avec Abraham, nous n'en sommes pas encore là. Nous sommes seulement à la racine d'un nouvel horizon.
Pour se convaincre que tel est le sens de la vocation d'Abraham, il n'est pas nécessaire d'aller bien loin, le récit biblique étant plus qu'explicite à cet égard. Expliquant le sens de ce qu'on appelle l'élection d'Abraham, le texte dit:




Si je l'ai distingué, c'est afin qu'il prescrive à ses fils et à sa maison de garder après lui le chemin de l'Eternel : mettre en oeuvre la justice sociale (tsedaka)et le droit (michpat).
Il est maintenant possible de répondre à la dernière question soulevée plus haut. Quel est le sens du nouvel aspect du monothéisme inauguré par Abraham ? Ici également, il convient de dépasser le formalisme théologique pour comprendre la signification concrète, la signification réelle, de ce monothéisme. Par delà le désordre qui sévit universellement, ou, pour le dire schématiquement, par delà l'ordre de la guerre, se profile un autre ordre, celui de la loi morale. «Il n'y a qu'un seul Dieu» n'est pas un énoncé théorique et encore moins comme la formulation d'un dogme. Cela signifie qu'il n'y a qu'une seule loi morale. Mais il ne faut pas se tromper. L'affirmation de l'unité de la loi morale n'est pas la constatation d'un fait empirique. Elle doit se dire en termes d'aspiration et d'obligation, en termes d'avenir et non de présent. L'unité de la loi qui régit le monde naturel se constate, l'unité de la loi morale se construit.
L'unité du sens moral fonde, ou mieux, se confond avec l'unité de l'humanité. C'est ce qu'exprime encore le Midrach en interprétant à sa manière un verset du Cantique des cantiques, en jouant sur le mot hébreu ah'ot, soeur, dont la racine donne également le verbe ih'a qui signifie ``unifier'':




Rabbi Berakhia a cité ce verset: «Nous avons une petite soeur (ah'ot), elle n'a pas encore de seins...», nous avons un petite soeur, c'est Abraham qui a unifié toute l'humanité (kol bae olam).
La destinée morale, le respect du droit et l'aspiration à la justice comme principes d'unification de l'humanité, tel est le sens du monothéisme instauré par Abraham. Qu'une formulation théologique de ce monothéisme soit utile ou non, cela peut se discuter. Mais quoi qu'il en soit, une telle formulation n'est tout au plus qu'une superstructure et son absence ne saurait être considérée comme un déficience. Le Rav Kook l'a énoncé sans la moindre ambiguïté:




Cela ne nous chagrine pas que telle ou telle structure de justice sociale puisse s'établir sans la moindre trace de mention de Dieu, car nous savons que l'aspiration à la justice, en elle-même et sous quelque forme que ce soit, constitue intrinsèquement l'épanchement divin le plus lumineux.
Je terminerai par où j'ai commencé. Abraham n'est pas le père des croyants. Conditionner le divin par le prononcé d'un credo, profession de foi ou dogme, n'est rien d'autre qu'un détournement de l'héritage d'Abraham. Tel est le détournement opéré aussi bien par l'islam que par le christianisme, qui au moins sur ce plan, sont étrangement convergents. Les conséquences de cette convergence, nous les connaissons bien : ce sont les guerres de religion.
Abraham n'est pas le père des croyants. Par le début de sa carrière, Abraham est le père de tous ceux qui refusent les mystifications, les superstitions et les idéologies réductrices. Abraham est le père de la pensée rationnelle, il est le père des savants et non un fondateur de religion. Et par la fin de sa carrière, Abraham est simultanément la première étape de la constitution de l'être d'Israël et le père de tous ceux qui aspirent au droit et à la justice.

LE JARDIN D'EDEN


                                         Le jardin d'Eden   Meir Lazar


Qu'est ce que le Jardin d'Eden ?
Il s'agit d'un lieu où les âmes méritantes ayant quitté ce monde jouissent de la lumière de la présence divine en attendant d'accéder au monde futur, c'est-à-dire l'époque post-messianique
(Talmud Chabbat 152 b ; Derekh Hachem 1 :3 :11)

Éden abritait l'Arbre de la Vie, l'Arbre de la connaissance du bien et du mal , ainsi qu'une végétation luxuriante et variée, suffisant à pourvoir aux besoins d'Adam et Ève.
Les versets 2:10-14 semblent contenir un indice assez vague quant à la localisation :

Un fleuve sortait d'Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.
Le nom du premier est Pishôn; c'est celui qui entoure tout le pays de Havilah, où se trouve l'or.
L'or de ce pays est pur; on y trouve aussi le bdellium et la pierre d'onyx.
Le nom du second fleuve est Guihôn; c'est celui qui entoure tout le pays de Coush (Éthiopie ? Hindi Kush ).
Le nom du troisième est Hiddèkel; c'est celui qui coule à l'orient d'Ashour (l'Assyrie, donc le Tigre). Le quatrième fleuve, c'est l'Euphrate.

 Dire de RABBI ELIÉZER, 
 « Dieu aima le premier homme d'un amour excessif... Il l'introduisit dans Son palais...Adam flânait tranquillement dans le jardin d'Éden comme l'un des anges du Service.Dieu Se dit : je suis unique en Mon monde et l'homme est unique dans le sien. Il n'y a devant Moi ni fructification, ni accroissement et l'homme connaît la même situation. par la suite, les créatures pourraient se dire, désignant l'homme : Puisque celui - là n'a devant lui ni fructification, ni accroissement, c'est lui qui nous a créés.
C'est pourquoi il n'est pas bon que l'homme soit seul selon le verset : « YHVH Dieu dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul, je lui ferai une aide face à lui »(GEN. 2.18). Rabbi Juda dit : ne lis pas « face à lui » (kenégdo) mais « contre lui » (lenagdo) - si l'homme est méritant, elle sera une aide pour lui, sinon elle sera contre lui, pour lui faire la guerre ».

Que faisait Adam au jardin d’Eden?

Et Elokim prit l’homme et il le fit reposer dans le jardin d’Eden pour le travailler et pour le garder (Genèse II, 15). Quel travail y avait-il donc à faire dans le jardin,puisqu’il est dit: pour le travailler et le garder? Peut-être diras-tu qu’il y avait à y travailler, comme, par exemple, tailler les vignes, labourer et herser la terre, faire les gerbes et moissonner. Tous les arbres, cependant, ne croissaient-ils pas d’eux-mêmes? Tu diras sans doute qu’il y avait tout de même du travail, par exemple, arroser. Mais un fleuve s’y répandait et en sortait. N’est-il pas écrit en effet: Et un fleuve sortait de l’Eden (Genèse II, 10)? Pourquoi alors: le travailler et le garder?
C’était vaquer aux paroles de la Torah et garder le chemin de l’arbre de vie. Et il n’y a pas d’autre arbre de vie que la Torah elle-même, selon qu’il est écrit: C’est l’arbre de vie pour ceux qui la saisissent (Proverbes III, 18)12.»

Le Premier Sabbat

«Et Il chassa l’homme (Genèse III, 24). Chassé, il sortit du jardin d’Eden et il se reposa au Mont Moriah, car la porte du jardin d’Eden s’appuie sur le Mont Moriah. De là Il l’avait pris, et là, Il le fit revenir, c’est-à-dire, au lieu d’où il avait été pris, selon le verset disant: Et Elokim prit l’homme (Genèse II,15). Et de quel lieu le prit-Il? Du lieu du Temple dont il est dit: Pour travailler la terre d’où il avait été pris (Genèse III, 23)

Le Paradis selon le Talmud

Ce jardin dl'Éden, disent les talmudistes, est soixante fois plus grand que l'Égypte; il est placé dans la septième sphère du firmament II a deux portes où entrent soixante myriades d'anges dont les figures brillent comme le firmament. Au moment où le juste arrive devant eux, ils le dépouillent de ses vêtements, placent sur sa tête deux couronnes, l'une d'or et l'autre de pierres précieuses, lui donnent huit bâtons de myrte, et dansent devant lui, en lui disant : mange ton pain en te réjouissant. Alors, ils le font entrer dans un lieu entouré d'eau; quatre fleuves y coulent, un de miel, un de lait, un de vin, et un d'encens; il y a aussi des tables de pierres précieuses; quatre-vingts myriades d'arbres s'élèvent de chacun des angles; dans chacun de qes angles sont placés soixante myriades qui chantent continuellement d'une voix agréable, des louanges à Dieu; au milieu du jardin, est planté, l'arbre de la vie; son feuillage ombrage tout le jardin.


Au sujet du Jardin d'Eden, le Zohar (Tikouné 14) nous enseigne :
le Jardin (le Gan) c'est la Torah. Les âmes du peuple d'Israël qui étudient et comprennent la Torah, ce sont les herbes et les fleurs qui poussent dans ce Jardin, grandissent et se développent grâce au fleuve, qui est la Source, la Sagesse comme il est dit: " la Source des Jardins, une Source d'eaux vives... " (Cantique des Cantiques 4:15). Et comment puiser à cette Source, à cette Sagesse? grâce à la prière, comme il est écrit
"...et une Source jaillit de la Maison de l'Eter‑nel... " (Joël 4) qui est "...la maison de prières... " (Isaïe 56). L'essentiel du Jardin d'Eden (Gan Eden) réside donc dans le fait de lier l'étude à la prière.
Il en résulte qu'il faut comprendre le verset du chapitre 2 de la Génèse de la manière suivante: un fleuve (la Sagesse) sortait d'Eden (la prière) pour arroser le Jardin (la Torah) dans lequel les âmes juives grandissent, se développent et acquièrent la compréhension de la Torah. De là, il (le fleuve) se divisait (les âmes peuvent alors distinguer le permis de l'interdit, le pur etc... et séparer ainsi le bien du mal), et formait quatre bras (qui sont les quatre lettres du Nom de D‑ieu qui sont la sainte racine des 4 éléments fondamentaux voir IV‑5 et note 64,66). C'est pourquoi, il faut multiplier les prières afin de parvenir à l'interprétation authentique des Textes sacrés. Il est donc interdit de s'appuyer uniquement sur ses capacités intellectuelles et sur son érudition dans la Torah, car une pareille étude peut mener à une interprétation erronée des Textes et ne plait pas du tout à D‑ieu..! (Etsoth mévouharoth Téfilah 14)



"LE FLEUVE QUI SORTAIT D'EDEN"


"L'Eternel D-ieu planta un jardin en Eden, vers l'orient, et y placa l'homme qu' il avait faconne. L' Eternel D-ieu fit pousser du sol toutes especes d'arbres, beaux a voir et bons a manger; et l' arbre de vie au milieu du jardin, avec l' arbre de la connaissance du bien et du mal.

Un fleuve sortait d' Eden pour arroser le jardin, et de la il se divisait et formait quatre bras.

L'Eternel D-ieu prit l'homme et l'etablit dans le jardin d'Eden pour le cultiver et le garder. L'Eternel D-ieu donna un ordre a l'homme en disant: "Tous les arbres du jardin, tu peux t'en nourrir, mais l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n'en mangeras pas, car du jour ou tu en mangerais tu mourrais"
.(Gen.2:8-17).

L'homme fut place en etat de perfection dans le jardin d'Eden. Apres la faute, l'homme est chasse et c'est des lors a l'exterieur de ce jardin que l'homme devra assumer cet etat d'imperfection que nous connaissons jusqu'a ce jour.
Cependant, au beau milieu du recit, la Thora interompt sa narration sans raison apparente, et nous donne la description detaillee du fleuve qui sortait d'Eden.

Comme nous l'avons deja vu, le temple etait un sanctuaire ou le mal n'avait pas acces. Ce sanctuaire etait une sorte de jardin d'Eden en miniature, entierement consacre au service Divin, excluant tout ce qui pouvait evoquer la faute d'Adam. Car c'est de la faute d'Adam que toute impurete prend sa source; c'est de la que provient la mort et avec elle la decheance humaine.
En consequence, toute chose liee a cette faute interdira l'acces de ce jardin d'Eden que represente le Temple.

Un midrache nous dit que Adam apres avoir fait "Techouva" (s'etre repenti) s'est trempe dans ce fleuve pour tenter ainsi de garder un contact avec le jardin d'Eden d'ou il avait ete expulse.
Comme nous l'avons deja souligne, le seul moyen de se debarrasser de cet etat d'impurete et de retablir le lien que nous avions avec le jardin d'Eden se fera au moyen de l'eau, qui est le lien le plus important que nous ayons conserve avec le jardin d'Eden. Car nous dit le Talmud: toutes les eaux du monde prennent leur source dans le fleuve qui sortait de ce jardin.

Et cela expliquerait pourquoi le Mikve doit etre approvisionne par une source d'eau naturelle: pour retablir un lien direct avec les eaux d'Eden et ainsi sortir l'homme de son exil spirituel.
C'est la raison pour laquelle le recit du jardin d'Eden est interrompu par une description du "fleuve qui sortait du jardin".

La Thora nous dit que D-ieu planta l'arbre de la connaissance du bien et du mal dans le jardin. Ainsi la possibilite que Adam faute et soit chasse du jardin existait. Aussi avant meme d'y installer l'homme, D-ieu etablit un lien entre ce jardin et le monde exterieur: "Le fleuve qui sortait d'Eden"


Les eaux d'Eden" par le Rav Aryeh Kaplan.

ET LA LUMIERE FUT


                       La Creation de la lumiere    Gustave Doré

                       Dieu dit, que la lumière soit

Le commentaire de Rachi sur La Genèse, chapitre premier est un exercice d’école herméneutique.
Il reste au premier niveau de l’analyse et remet le verset « sur ses rouages ». L’argumentation fait appel à la morphologie hébraïque, certes, mais surtout à la logique. 
De sorte que cette leçon peut être suivie par l’hébraïsant, comme elle peut l’être par celui qui veut seulement comprendre la méthode de Rachi.
Le texte commenté est constitué des trois premiers versets de la Bible que je reproduis dans la traduction du Rabbin Z. Kahn. Nous verrons que ces trois versets donnèrent le jour à beaucoup de traductions différentes que Rachi va remettre sur leurs rouages.

1,1 Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
1,2 Or, la terre n’était qui solitude et chaos ; des ténèbres couvraient la surface de l'abîme, et le souffle de Dieu planait sur la face des eaux.
1,3 Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut.

Voici le texte hébreu, 
בְּרֵאשִׁית בָּרָא אֱלֹהִים אֵת הַשָּׁמַיִם וְאֵת הָאָרֶץ ׃ וְהָאָרֶץ הָיְתָה תֹהוּ וָבֹהוּ וְחֹשֶׁךְ עַל־פְּנֵי תְהוֹם וְרוּחַ אֱלֹהִים מְרַחֶפֶת עַל־פְּנֵי הַמָּיִם ׃ וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים יְהִי אוֹר וַיְהִי־אוֹר ׃

1) L’erreur canonique des traducteurs

Qu’est-ce que Rachi va bien pouvoir nous dire sur ce qui serait, selon le mot de Meschonnic, une « erreur canonique » de pratiquement tous les traducteurs de ces versets ?
Simplement que le premier verset est une subordonnée et que la principale est le troisième verset. Entre les deux se trouve une incise.
L’erreur canonique est là. « La première chose créée a été la lumière. Pas le ciel et la terre. » 
Or, les trois versets furent traduits par la tradition, comme une succession d’indépendantes.
L’analyse de Rachi repose sur la constatation simple que le mot בראשית est au cas construit en hébreu.
Le sens n’est pas «au commencement», « in the beginning », indiquant une chronologie des choses créées, mais « lorsque Dieu commença à créer le ciel et la terre» dans le sens de « à l’époque de la création du ciel et de la terre ».
La traduction restituée dans l’esprit de Rachi donnerait quelque chose comme :
Lorsque Dieu commença à créer le ciel et la terre,
la terre était solitude et chaos ; des ténèbres couvraient la surface de l'abîme, et le souffle de Dieu planait sur la face des eaux.
Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut.  
On lira dans son bel ouvrage le poème de Henri Meschonnic qui cherche à restituer la lecture synagogale rythmée par les signes de cantilation (ta’amim).
Peu de traducteurs ont suivi Rachi, comme s’ils se contaminaient les uns les autres.
Il faut dire que tout avait mal commencé pour les traducteurs. Les deux maîtres modèles (la Septante grecque et la Vulgate latine de Jérôme qui s’inspire de la première) ont choisi le sens chronologique ; ciel et terre en premier : « En arkhê époiêssen ho theos ton ouranon kai tên guên. », « In principio creavit Deus caelum et terram ».
Suivirent toutes les autres : la pourtant très belle King James Version : « In the beginning God created the heaven and earth », Luther : « Am anfang schuff Gott Himmel und Erden », l’espagnole de Alonso Schökel « Al principio creo Dios el cielo y la terra» et presque toutes les autres jusqu’à nos jours.

2) L’interprétation de Rachi

L’argumentation est essentiellement grammaticale même si à la fin, en couronnement, Rachi emploie la logique : comment créer la terre, en premier,  si l’eau ne préexiste pas ?
En effet le second verset mentionne l’existence de l’eau mais n’explique pas quand elle fut créée, ce qui ruine l’interprétation chronologique.
Les deux premiers mots du premier verset seraient, pour Rachi, une construction grammaticale simple en hébreu mais qui n’a guère d’équivalent dans les autres langues : le cas construit.
Deux mots se suivent, le second qualifiant le premier. Ainsi בית-ספר (beit-sefer) mot à mot maison du livre désigne une école. Les particules préfixes de l’hébreu se placent devant le premier des mots בבית-ספר : dans une école.
Rachi soutient que le premier mot de la Genèse est un nom à l’état construit et que manque le nom qualifiant, qui pourrait être « création » ou « tout. » Dès lors, la bonne traduction est pour lui « lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre… » alors que la tradition y voit une chronologie, « au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. »

3) L’argumentation détaillée

Voici l'argumentation détaillée de Rachi  

Dans la première partie Rachi explique que le verset ne peut être compris de façon littérale, car, le premier mot de l'Ecriture est un cas construit dans le quel le second terme semble manquer. Il donne deux exemples de cas construits avec le mot  ראשית . 

Ensuite, vient un raisonnement a contrario. Rachi explique que si l'Ecriture avait voulu enseigner l'ordre de la création, ciel et terre les premiers, il serait écrit explicitement qu'Il créa le ciel et la terre, au commencement, ce qui en hébreu réclame la particule את pour introduire le complément d'objet direct.

La troisième étape du commentaire déploie son argument du cas construit (הסמינות) en donnant des exemples, dans l'écriture, de cas construit avecבראשית, ainsi בראשית ממלכת : au commencement du règne de ….
Au quatrième point Rachi nous indique quel est selon lui la construction du cas. Il faut le comprendre mot à mot comme (כמו בראשית ברוא), « dans le commencement de la création ».
Le mot manquant est donc à interpréter de façon similaire à ברוא (création) qui est l'infinitif absolu du verbe « créer », forme qui peut avoir, en hébreu, valeur de nom (ainsi קֱרׁא : lecture).
Pour Rabbi Eliyahu Mizrachi (commentateur de Rachi) le mot qualifiant  הכלest implicite : בראשית-הכל ; « au début de la création du tout ».

Il est ici possible de rétorquer à Rachi qu'il est étrange que l'Ecriture omette un mot (le qualifiant de בראשית). Le commentateur traite méticuleusement le cas et va chercher, dans l'ensemble de la Bible, des exemples d'omission d'un mot dans une phrase, soulignant ainsi qu'il ne s'agit pas là d'un cas isolé dans le style biblique.
Notons que dans son développement, Rachi trouve dans le texte (en Isaïe 46,10) une preuve formelle de son argument. En effet, le verset cité emploie la forme courte מראשית אחרית pour signifier מראשית דבר « depuis le commencement d'une chose » et  אחרית דבר « la fin d'une chose ». Le texte utilise le même mot  ראשית (reschit) avec la préposition מ (depuis).
Enfin en conclusion, Rachi achève la démonstration par un argument de pure logique, de quoi s'étonner soi-même. Car en suivant l'interprétation chronologique, les eaux auraient été créées avant le ciel et la terre ; or nous avons appris du Talmud (Khagiga 12a) que le ciel fut créé de feu et d'eau : le cielשמים suivant Rachi est une contraction de שם מים (l'eau est là) ou de אש ומים (le feu et l'eau).

ECHELLE DE JACOB


                                                                    L'echelle de Jacob


                         « Des messagers divins montaient et descendaient le long de cette échelle. »
                                                       Connexion entre le ciel et la terre

Le rêve de Jacob
Le rêve est, selon la tradition juive, un degré de prophétie. Celui de Jacob annonce la connexion possible entre le monde du ciel et celui de la terre. Mais cette révelation n’est possible qu’à un endroit précis : Jérusalem.

Le rêve de l’échelle. Rappelons-en le contexte.
Jacob doit fuir devant les menaces de son frère (Gn 27,41). Il quitte son pays et la demeure de son père, erre, la nuit, sur les chemins, dort à même le sol, une pierre en guise d’oreiller, le ciel au-dessus de sa tête. C’est à ce moment précis que Dieu lui apparaît, pour la première fois, en songe. Comme si la révélation divine s’exprimait par des images signifiant une idée qu’il s’agit de dégager selon l’enseignement du Talmud- « un rêve qu’on n’interprète pas est comme une lettre qu’on ne lit pas » (Berakhot 55a).



Genèse chapitre 28
10) Jacob sortit de Beer Shava, et se dirigea vers Haran.
11) II arriva dans un endroit où il établit son gîte, parce que le soleil était couché. II prit une des pierres de l'endroit, en fit son chevet, et passa la nuit dans ce lieu.
12) Il eut un songe que voici : Une échelle était dressée sur la terre, son sommet atteignait le ciel ; et des messagers divins montaient et descendaient le long de cette échelle.
13) puis, l'Eternel apparaissait au sommet, et disait : « Je suis l'Eternel, le Dieu d'Abraham ton père et d'Isaac; cette terre sur laquelle tu reposes, je te la donne à toi et à ta postérité.
14) Elle sera, ta postérité, comme la poussière de la terre ; et tu déborderas au couchant et au levant, au nord et au midi ; et toutes les familles de la terre seront heureuses par toi et par ta postérité.
15) Oui, je suis avec toi; je veillerai sur chacun de tes pas, et je te ramènerai dans cette contrée, car je ne veux. poin t'abandonner avant d'avoir accompli ce que je t'ai promis. »
16) Jacob, s'étant réveillé, s'écria: « Assurément, l'Eternel est présent en ce lieu, et moi je l'ignorais.»
17) Et, saisi de crainte, il ajouta « Que ce lieu est redoutable ! Ceci n'est autre que la maison du Seigneur, et c'est ici la porte du ciel.»
18) Jacob se leva de grand matin ; il prit la pierre qu'il avait mise sous sa tête, l'érigea en monument, et répandit de l'huile à son faîte.
19) Il appela cet endroit Béthel; mais Louz était d'abord le nom de la ville.
20) Jacob prononça un voeu en ces termes: «Si le Seigneur est avec moi, s'il me protège dans la voie où je marche, s'il me donne du pain à manger et des vêtements pour me couvrir;
21) si je retourne en paix à la maison paternelle, alors le Seigneur aura été un Dieu pour moi;
22) et cette pierre que je viens d'ériger en monument deviendra la maison du Seigneur, et tous les biens que tu m'accorderas, je veux t'en offrir la dîme. » 
 
 Commentaire de Rachi
 Verset 11
Il rencontra l’endroit : L’écriture n’a pas précisé l’endroit ici, mais celui-ci a été précisé à un autre endroit, et c’est le mont Moria comme il est dit (Genèse, 22 ; 4) :
« il vit l’endroit de loin ».
Car le soleil s’était couché : (Le texte) aurait dû écrire « le soleil se coucha » ; « car le soleil s’était couché » veut dire que le soleil se coucha pour lui, soudainement, non pas à son heure habituelle, afin qu’il dorme là-bas.
Et s’étendit en ce lieu : Cela indique une exclusion : dans cet endroit il s’étendit mais durant les quatorze années où il fréquenta la maison de Ever, il ne s’allongea pas même une seule la nuit, car il était occupé dans l’étude de la Torah.

II arriva : [litteralement : « il heurta » mais peut être compris dans le sens de atteindre,toucher  comme il est écrit : « …atteignait Jéricho… » (Josué 16 :7) , « … touchait Dabbéchet… » (Josué 19 :11). Et nos sages ont expliqué le terme dans le sens de « a prié »
comme il est écrit : «…ne cherche pas à me fléchir [m’invoquer]… » (Jérémie 7 :16) Ceci pour nous apprendre que Jacob a instauré la prière du soir. Or l’écriture n’a volontairement pas utilisé le terme de
 « prier » pour t’apprendre qu’il a enjambé la terre sous lui comme l’enseigne le Talmud dans le traité Houline.


Verset 12
Montaient et descendaient : D’abord ils montaient et ensuite descendaient ? Les anges qui l’avaient accompagné dans la terre d’Israël ne sortaient pas en dehors de cette terre et remontaient au ciel, tandis que descendaient les anges d’en dehors de la terre d’Israël pour l’accompagner

 Commentaire d’Ibn Ezra
Rabbi Salomon l’espagnol enseigne que l’échelle fait allusion à l’âme supérieure, et les anges de D.ieu, aux pensées de la sagesse. Et rabbi Josué de dire que l’image de l’échelle a été utilisée pour nous apprendre que sa prière montera et sa délivrance descendra du ciel.

 Commentaire de Nah’manide sur le verset 12
On lui montra par prophétie que tout ce qui arrive sur terre est l’oeuvre des anges et est décrété par le Très-Haut. (…) Et on lui montra que c’était D.ieu lui-même qui se tenait en haut de l’échelle et promettait à Jacob par une grande promesse que sa vie ne sera pas entre les mains d’un ange mais qu’il sera une part de D.ieu et qu’il sera toujours avec lui comme il est dit « voici Je serai avec toi et Je te protégerai là où tu iras » ; car sa grandeur était supérieur aux autres justes au sujet desquels il est marqué « car mes anges sont ordonnés pour toi de te protéger là où tu iras ».
Et d’après le grand Rabbi Eliezer, cette vision est en rapport avec celle de l’alliance des morceaux d’Avram. En effet, il lui fut montré la grandeur et la décadence des quatre grands empires. Et c’est la raison pour laquelle il est marqué « les anges de D.ieu » qui est relation avec le passage de Daniel « le prince spirituel du royaume grec, l’ange protecteur de la Perse… » et il eut la promesse d’être protéger là où il sera et de la délivrance d’entre leurs mains. On lui montra l’empire babylonien montait de soixante-dix échelons puis redescendre ; puis celui de la Perse de cinquante-deux degrés et redescendre. Puis l’empire grec qui gravit cent quatre-vingt échelons et redescendit. Puis il vit le royaume de Rome qui montait mais sans jamais
redescendre. Jacob lui dit alors : « mais tu seras précipité jusqu’au fond de l’abîme »et le Saint Béni Soit Il de rajouter « quand bien même tu fixerais ton aire aussi haut que l’aigle ».


Jacob et les anges
La parachat Vayetsé s’ouvre et se ferme par la rencontre de Jacob avec des anges.
Rachi précise: il s’agit de « vrais » anges et non de simples envoyés.

Introduction de la Parachat Vayetsé (Genèse 28, 10-12)
10 Jacob sortit de Beer Shava et se dirigea vers Haran. 11 Il arriva dans un endroit où il établit son gîte, parce que le soleil était couché. II prit une des pierres de l'endroit, en fit son chevet et passa la nuit dans ce lieu. 12 Il eut un songe que voici: Une échelle était dressée sur la terre, son sommet atteignait le ciel et des messagers divins montaient et descendaient le long de cette échelle.

Conclusion de la Parachat Vayetsé ( Genèse 32, 1-2)
2 Pour Jacob, il poursuivit son voyage; des envoyés du Seigneur se trouvèrent sur ses pas.
3 Jacob dit en les voyant: "Ceci est la légion du Seigneur!" Et il appela cet endroit Mahanayim.



Traité Houline, Chapitre 7, page 97a


« Jacob sortit de Beer Shava, et se dirigea vers Haran. » et il est écrit : « II arriva dans un endroit » (Genèse chapitre 28). Lorsqu’il arriva à Haran, il se dit : « Est-ce possible que je sois passé par l’endroit où mes Pères ont prié et que moi je n’y ai pas prié ?!
Dès lors qu’il s’est mis l’idée en tête de revenir sur ses pas, la terre [la distance entre Haran et l’ « endroit »] s’est rétrécie, comprimée et il s’est heurté à l’endroit [autre lecture : il a prié].
Dès qu’il eu achevé sa prière, il souhaita retourner [à Haran] ; le Saint-Loué-Soit-Il dit alors : ce Juste est venu dans mes demeures et je le laisserais repartir sans lui avoir offert l’hospitalité ?! Tout de suite, le soleil se coucha comme il est écrit (Genèse 28)
« II prit des pierres de l'endroit » et plus loin il est écrit « il prit la pierre qu'il avait mis sous sa tête » (Genèse 28). Enseigne Rabbi Isaac : ceci nous apprend que toutes les pierres se sont rassemblées en un seul endroit et chacune a dit : c’est sur moi que le Juste reposera sa tête. Finalement, toutes ont été englouties en une.
* Traduction problématique. Il faut ici comprendre « il prit des pierres de l’endroit » .





La lecture allégorique du rêve de Jacob que propose la tradition rabbinique, c’est précisément dans la mesure où le peuple juif ne participe pas directement aux grands cycles de l’histoire universelle qu’il peut lui être donné de survivre à toutes ses fluctuations.


Le Midrach Tanhouma (Vayétsé, 2) livre une interprétation très intéressante de ce songe. Pour Rabbi Shmouel bar Nahmane, les envoyés de Dieu évoquent les génies ou les princes protecteurs des nations : leurs représentants ; 1’échelle, c’est l’expression concrète du temps, du déroulement de l’histoire. Jacob a donc vu « le génie de Babylone redescendant après avoir gravi 70 échelons. Puis celui des Mèdes et des Perses escalader 52 échelons et redescendre, ensuite il assista à l’ascension du génie des Grecs jusqu’au centième échelon pour enfin redescendre. Lorsqu’arriva le tour du prince d’Edom -Rome, l’Occident- Jacob ne pût compter les innombrables échelons qu’il gravissait. Alors, pris de panique, il s’écria : “Celui-là ne descendrait-il donc jamais ?”. Dieu lui répond : “N’aie pas peur, mon serviteur Jacob (Jérémie 30,10). Même si tu le voyais monter et prendre place à mes côtés, je le ferai descendre de là, ainsi qu’il est écrit : “Même si tu t’élèves comme l’aigle et que tu places ton nid parmi les étoiles, de là je te ferai descendre, parole de Dieu” (Abdias 1,4) » (20)
Que voilà une manière plus imagée de comprendre le fameux mot de Paul Valéry : les civilisations sont mortelles.
En effet, ce midrach fait allusion aux grandes étapes de l’histoire de l’humanité, à la naissance, au développement, à l’apogée et à la décadence des peuples et de leurs cultures à travers les siècles. L’échelle, symbole de la temporalité historique, est le lieu de l’affrontement des nations où l’ascension de l’une entraîne ipso facto la chute de l’autre, où tout avènement d’une culture s’édifie sur les ruines et les cendres de la précédente, où le mouvement de l’histoire dépend des guerres et des conflits. Mais cette échelle n’a pas des dimensions infinies : Dieu se trouve à son sommet. L’Histoire n’est pas le lieu du jugement suprême. Il y a un Maître de l’Histoire, un Maître qui juge l’Histoire et qui affirme que tout orgueilleux sera abaissé et qu’à la fin des temps, l’image de l’échelle sur laquelle se succèdent ceux qui montent et ceux qui descendent, sera remplacée par celle de la montagne de Dieu vers laquelle afflueront fraternellement tous les peuples (Isaie 2,2).

•L’angoisse de Jacob et les questions d’Israël
Cependant, on est en droit de se demander quel rapport établir entre cette vision grandiose et la situation particulière de Jacob, au moment où, fuyant la colère de son frère, il va chercher une femme à Padane afin de renforcer la postérité d’Abraham et d’Isaac.
C’est que Jacob est angoissé. Il part en exil. Quelle assurance ait-il de pouvoir retrouver son pays ? Retourner sur sa terre et entrer en sa possession ? Il se rend dans une société idolâtre, chez Lavan. Sauront-ils résister aux tentations de cette civilisation ? Au règne de la violence, de la loi du plus fort et du plus rusé, à la permissivité, etc. ? Certes, Jacob s’est préparé à affronter les pièges que ne manquera pas de lui tendre la civilisation idolâtre avec ses pseudo-valeurs. Il a passé quatorze années dans l’Académie d’Ebère à étudier la Torah (Gn Rabba 68,5), à s’imprégner du sens de la loi, à se forger une identité juive afin d’être capable de vivre dans une société où l’attendent nombre de dangers moraux et spirituels. N’était cette identité juive forte, sans compromis ni compromission, les vingt années passées en compagnie de Lavan eussent eu raison de sa judaïté et Jacob eût disparu. C’est ce que semble suggérer ce midrach. Car « ce que l’on voit dans un songe n’est que le reflet de ses pensées à l’état de veille » (Bérakhot 55b).
De plus, l’angoisse de Jacob au niveau individuel est amplifiée par le midrach qui la transpose au niveau de la nation. Israël, peuple chassé de son pays, errant à travers les siècles parmi les peuples puissants, exilé de pays en pays, assiste à l’apparition et au déclin de nombreux empires : l’Egypte, l’Assyrie, la Babylonie, la Perse, la Médie, la Grèce, Rome, Byzance et… 1’Occident ? Qu’adviendra-t-il alors d’Israël, tant l’entité que les individus ? Sera-t-il emporté dans la tourmente de ces civilisations qui brillent de mille feux ? S’agrégera-t-il aux nations lorsque leur soleil resplendit ou disparaîtrait-il avec elles lorsque leur astre décline ?
L’angoisse qui a envahi Jacob était réelle. Plus encore, elle demeure actuelle. La seule manière de l’alléger serait de se tenir à l’écart de ces « guerres impériales » en se consacrant à l’étude de la loi et à son application -à l’instar de notre Patriarche- pour façonner une identité qui résiste à toutes les tempêtes de l’Histoire, mais aussi aux périodes de paix où la garde se relâche le plus. Une identité non repliée sur elle-même, mais ouverte sur le monde, car plus on est juif et mieux et plus on est homme.
En guise de conclusion, demandons-nous quelles sont les différences entre ces deux types d’interprétation. Il semble qu’elles pourraient tenir dans une formulation encore imprécise qui demanderait à être retravaillée.
Sans art d’interpréter, le rêve n’est que matériau brut. Pourtant, dans le rêve, ce qui préexiste n’est pas du texte mais un chaos, un tohu-bohu d’images que le rêveur doit ordonnancer à l’état de veille, c’est-à-dire s’efforcer de rendre intelligible. La lecture rabbinique, elle, consiste à commenter un texte préalable auquel on se réfère pour juger de la pertinence ou de la non-pertinence des interprétations : le texte jouant alors le rôle de garde-fou contre les interprétations abusives ou les mésinterprétations. D’autre part, alors que la psychanalyse cherche le sens dans le non-sens, en tant qu’elle confère une importance démesurée au non-sens (actes manqués, lapsus, calembours, etc...) l’interprétation rabbinique guette le sens dans le sens à partir d’une entorse faite au sens. Mais cette entorse est le fruit d’une imagination normée, d’une créativité réglée. Bien entendu, il ne faut pas oublier que l’interprétation de la psychanalyse vise un objectif thérapeutique, tandis que « l’objectif » de la lecture rabbinique est l’injonction éthique, l’invitation à prendre en charge un tant soit peu de la misère d’autrui. Elle est appel à la responsabilité.
Mais l’une comme l’autre aspirent à la réduction des illusions et de toutes les aliénations, notamment idolâtriques, c’est-à-dire au fait d’attribuer à une portion de la réalité la signification qui n’appartient qu’à la source de l’ensemble.
Réduire les illusions et les aliénations, telle est, semble-t-il, la tâche de toute herméneutique.





Source : akadem - lechampdumidrash


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